Récit
Une ligne continue d'Ushguli à Iskari, en passant par Mestia
La Haute-Svanétie est un territoire frontalier au sens plein du terme. Frontière géographique, bien sûr, matérialisée par la grande muraille glaciaires du Caucase, mais aussi frontière politique, historique et symbolique. Ici, les sommets — Chkhara, Tetnuldi, Ushba — ne sont pas de simples lignes d’horizon : ils incarnent une limite, une tension, une épaisseur du monde. C’est dans cet entre-deux que s’inscrit cette haute route à ski, reliant Oushgouli à Iskari, au cœur de la Svanétie.
Je connais cette région depuis une décennie, c’est la troisième fois que je m’y rend, la première fois à ski. À chaque visite, le contexte géopolitique s’était invité dans l’expérience de le montagne caucasienne : postes militaires improbable et frontières surveillées avaient marqués les précédents voyages. En 2024, l’organisation même de ce voyage a nécessité des échanges avec les autorités françaises et l’ambassade, à la suite d’un regain de tension sur la frontière russo-géorgienne.
Sur le terrain, la montagne impose rapidement ses règles. Neige fraiche, couches fragiles persistantes, glaciers immenses, chutes de séracs : dès les premiers jours, la Haute-Svanétie rappelle que l’engagement ici ne se mesure pas seulement en dénivelé. Le ski est souvent magnifique, parfois ingrat dans les bushes, toujours exigeant. L’itinéraire s’invente au jour le jour, entre renoncements assumés, paris topographiques et longues traversées où l’on “gratte” du terrain plus qu’on ne déroule.
Mais ce raid ne se résume pas à une succession de pentes et de cols. Il se joue aussi — et peut-être surtout — le soir. Tantôt dans des cabanes non gardées isolées, tantôt dans des villages habités, autour de tables surchargées de plats, de vins approximatifs et de chacha redoutable. L’hospitalité svane est entière, sans calcul, parfois déconcertante. Elle fait partie intégrante du voyage.
Avec Shako Margiani, guide UIAGM et enfant du pays, cette traversée a pris une dimension particulière. Sa connaissance intime du terrain, des usages et des hommes permet d’entrer dans la montagne autrement. Ici, on ne traverse pas seulement un massif : on partage un quotidien, des histoires, des excès aussi.
Cette haute route de la Haute-Svanétie est un voyage au long cours, exigeant et profondément marquant. Un raid où la montagne, la culture et l’histoire s’entremêlent sans jamais se dissocier. Une expérience qui laisse des traces, bien au-delà des skis.
Informations
Pays : Géorgie
Ville d’accès et de retour : Tbilissi
Durée et période : 9 jours, dont 7 jours de ski, avril 2024
Forme du raid : traversée de massif
Distance et dénivelés parcourus : 175km et 13300m de D+
Type d’hébergement : guest-houses, cabanes non gardées
Participants : Etienne, Pascal, Anna, Quentin, Aurélien, Robin, Francis, Jérôme, Arthur
Encadrant : Yann Borgnet et Shako Margiani, guides de haute montagne UIAGM
Itinéraire
7 jours de raid
Jour 1 : Oushgouli (2100 m) → crêtes sous le Chkhara → cabanes d’alpage sous le Chkhara (D+ : 1200 m)
Jour 2 : Cabanes sous le Chkhara → passage glaciaire frontalier russo-géorgien → Khalde Mountain Farms (D+ : 900 m)
Jour 3 : Khalde Mountain Farms → sommet sans nom (~3500 m) → glacier → Adishi (2100 m) (D+ : 1000 m)
Jour 4 : Adishi → sommet sans nom (~3500 m) → glacier du Tetnuldi → Zhabeshi → Mestia (1500 m) (D+ : 1300 m)
Jour 5 : Mestia → Cloud Base Hut (D+ : 900 m)
Jour 6 : Cloud Base Hut → col Chaali → descente sous la face Est de l’Ushba → Mazeri (1600 m) (D+ : 800 m)
Jour 7 : Mazeri → Mont Bok (~2900 m) → Iskari (1400 m) (D+ : 1100 m)